Comment corriger le capitalisme de son vice financier

Louis Even le samedi, 01 mars 2021. Crédit Social

Saint Jean-Paul II

par Alain Pilote

Tout d’abord, pour faire suite à l’article de Louis Even (Tous capitalistes, non au communisme), il est utile de revoir ce que l’Église catholique, dans sa doctrine sociale, a enseigné sur ces deux systèmes, spécialement après que M. Even ait écrit l’article en question, en 1971, et qui confirme plus que jamais les conclusions de M. Even (que ce n’est pas le capitalisme en soi qui est à blâmer, mais le système financier, et que tous doivent être réellement capitalistes, propriétaires d’un capital, par l’entremise d’un dividende à tous).

Saint Jean-Paul II écrivait en 1987, dans son encyclique Solicitudo rei socialis, que l’Église «adopte une attitude critique vis-à-vis du capitalisme libéral et du collectivisme marxiste... deux conceptions du développement imparfaites et ayant besoin d’être radicalement corrigées.» Il est facile à comprendre pourquoi l’Église condamne le communisme, ou collectivisme marxiste qui, comme le rappelait le Pape Pie XI, est «intrinsèquement pervers» et anti-chrétien, puisque son but avoué est la destruction complète de la propriété privée, de la famille, et de la religion. Mais pourquoi l’Église condamnerait-elle le capitalisme ? Le capitalisme ne vaudrait pas mieux que le communisme?

Dans le second chapitre de son encyclique Centesimus annus, écrite en 1991, Jean-Paul II reconnaît les mérites de la libre entreprise, de l’initiative privée et du profit: «Il semble que, à l’intérieur de chaque pays comme dans les rapports internationaux, le marché libre soit l’instrument le plus approprié pour répartir les ressources et répondre efficacement aux besoins. Toutefois, cela ne vaut que pour les besoins “solvables”, parce que l’on dispose d’un pouvoir d’achat, et pour les ressources qui sont “vendables”, susceptibles d’être payées à un juste prix. Mais il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché. C’est un strict devoir de justice et de vérité de faire en sorte que les besoins humains fondamentaux ne restent pas insatisfaits et que ne périssent pas les hommes qui souffrent de ces carences.»

Même si le marxisme s’est écroulé, cela ne signifie pas pour autant le triomphe du capitalisme, car même après la chute du communisme, il existe encore des millions de pauvres et de situations d’injustice sur la planète. Jean-Paul II écrit: «La solution marxiste a échoué, mais des phénomènes de marginalisation et d’exploitation demeurent dans le monde, spécialement dans le Tiers-Monde, de même que des phénomènes d’aliénation humaine, spécialement dans les pays les plus avancés, contre lesquels la voix de l’Église s’élève avec fermeté. Des foules importantes vivent encore dans des conditions de profonde misère matérielle et morale. Certes, la chute du système communiste élimine dans de nombreux pays un obstacle pour le traitement approprié et réaliste de ces problèmes, mais cela ne suffit pas à les résoudre.» (Centesimus annus, 42.)

Ce que l’Église reproche au capitalisme actuel n’est donc pas la propriété privée ni la libre entreprise. Au contraire, loin de souhaiter la disparition de la propriété privée, l’Église souhaite plutôt sa diffusion la plus large possible pour tous, que tous soient propriétaires d’un capital, soient réellement «capitalistes». Comme l’écrivait saint Jean XXIII en 1961 dans son encyclique Mater et Magistra (nn. 114-115):

«La dignité de la personne humaine exige normalement, comme fondement naturel pour vivre, le droit à l’usage des biens de la terre; à ce droit correspond l’obligation fondamentale d’accorder une propriété privée autant que possible à tous.... (Il faut) mettre en branle une politique économique qui encourage et facilite une plus ample accession à la propriété privée des biens durables: une maison, une terre, un outillage artisanal, l’équipement d’une ferme familiale, quelques actions d’entreprises moyennes ou grandes.»

Le Crédit Social, avec son dividende à chaque individu, reconnaîtrait chaque être humain comme étant un véritable capitaliste, propriétaire d’un capital, cohéritier des richesses naturelles et du progrès (les inventions humaines, la technologie).

Le capitalisme a été vicié par le système financier

Ce que l’Église reproche au système capitaliste, c’est que, précisément, tous et chacun des êtres humains vivant sur la planète n’ont pas accès à un minimum de biens matériels, permettant une vie décente, et que même dans les pays les plus avancés, il existe des milliers de personnes qui ne mangent pas à leur faim. C’est le principe de la destination universelle des biens qui n’est pas atteint: la production existe en abondance, mais c’est la distribution qui est défectueuse.

Et dans le système actuel, l’instrument qui permet la distribution des biens et des services, le signe qui permet d’obtenir les produits, c’est l’argent. Comme l’a expliqué Louis Even dans l’article précédent, c’est donc le système d’argent, le système financier qui est défectueux dans le capitalisme. Les maux du système capitaliste ne proviennent donc pas de sa nature (propriété privée, libre entreprise), mais du système financier qu’il utilise, un système financier qui domine au lieu de servir, qui vicie le capitalisme. Le Pape Pie XI écrivait dans son encyclique Quadragesimo anno, en 1931: «Le capitalisme n’est pas à condamner en luimême, ce n’est pas sa constitution qui est mauvaise, mais il a été vicié.»

Le vice du système: l’argent est créé par les banques sous forme de dette

C’est le système financier qui n’accomplit pas son rôle, il a été détourné de sa fin (faire les biens joindre les besoins.) L’argent ne devrait être qu’un instrument de distribution, un signe qui donne droit aux produits, une simple comptabilité.

L’argent devrait être un instrument de service, mais les banquiers, en se réservant le contrôle de la création de l’argent, en ont fait un instrument de domination: Puisque le monde ne peut vivre sans argent, tous — gouvernements, compagnies, individus — doivent se soumettre aux conditions imposées par les banquiers pour obtenir de l’argent, qui est le droit de vivre dans notre société actuelle. Cela établit une véritable dictature sur la vie économique: Les banquiers sont devenus les maîtres de nos vies, tel que le rapportait très justement encore Pie XI dans Quadragesimo anno (n. 106):

«Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent et du crédit, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par-là, ils distribuent le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer.»

Aucun pays ne peut rembourser sa dette dans le système actuel, puisque tout argent est créé sous forme de dette: tout l’argent qui existe vient en circulation seulement lorsqu’il est prêté par les banques, à intérêt. Et chaque fois qu’un prêt est remboursé, cette somme d’argent cesse d’exister, est retirée de la circulation.

Le défaut fondamental dans ce système est que lorsque les banques créent de l’argent nouveau sous forme de prêts, elles demandent aux emprunteurs de ramener à la banque plus d’argent que ce que la banque a créé. (Les banques créent le capital qu’elles prêtent, mais pas l’intérêt qu’elles exigent en retour.) Puisqu’il est impossible de rembourser de l’argent qui n’existe pas, la seule solution est d’emprunter de nouveau pour pouvoir payer cet intérêt, et d’accumuler ainsi des dettes impayables.

Donc l’enseignement de l’Église dit oui au capitalisme, mais à un capitalisme corrigé de son système financier défectueux, pour que les produits atteignent véritablement ceux qui en ont besoin, et que tous soient vraiment reconnus comme capitalistes de fait, c’est-à-dire propriétaires d’un capital commun — les richesses naturelles et les inventions des générations précédentes — cette reconnaissance étant appliquée concrètement par le versement d’un dividende mensuel à tous, non pas financé par les taxes, mais par de l’argent créé sans intérêt pour représenter la nouvelle production, qui est due à plus de 90% à ces deux facteurs de l’héritage commun: richesses naturelles et progrès technologique.

Pourquoi se préoccuper de la question de l’argent

Certains lecteurs pourraient se dire : «Moi, je n’ai pas besoin de savoir toutes ces choses sur l’économie, et puis de toute façon, l’argent, ça touche au matériel, et moi c’est plutôt l’aspect spirituel qui m’intéresse. » Il est vrai que la fin dernière de l’être humain, sa fin ultime, est spirituelle – aller au Ciel pour vivre en union avec Dieu pour l’éternité – mais il est vrai aussi que tant que nous sommes sur terre, nous avons un corps et une âme, donc des besoins à la fois matériels et spirituels. Il faut nourrir ce corps, se vêtir, se loger. Et Jésus ajoute même, tel qu’indiqué au chapitre 25 de l’Évangile selon saint Matthieu, que nous serons jugés sur ce qu’on aura fait au plus petit d’entre nos frères, Jésus Lui-même s’identifiant à chacun d’eux: «J’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger…». Notre salut éternel dépend donc aussi de ce que nous aurons fait pour que tous aient de quoi manger.

Comme le rappelle le grand philosophe saint Thomas d’Aquin, il faut normalement un minimum de biens temporels pour faciliter la pratique de la vertu. Comme le dit le proverbe, ventre affamé n’a point d’oreille; même les missionnaires dans les pays pauvres doivent tenir compte de ce fait, et ils doivent nourrir les affamés avant de leur prêcher la bonne parole.

Donc, dans le système actuel, on ne peut obtenir la nourriture et autres produits et services si on n’a pas d’argent. Sans argent, c’est la mort à brève échéance. Ceux qui n’ont aucun revenu sont condamnés à mendier, à voler, à commettre toutes sortes de crimes pour obtenir l’argent qui donne droit aux produits. Dans des pays avancés comme le Canada, il existe des lois sociales pour s’assurer que personne ne soit sans le sou, mais plusieurs cas de pauvreté et de mendicité existent encore malgré tout dans notre pays. Et dans plusieurs pays, les lois sociales n’existent tout simplement pas, et c’est la pauvreté abjecte pour tous les gens sans emploi et sans revenu.

Situations inhumaines

L’homme a besoin d’un minimum de biens matériels pour accomplir son court pèlerinage sur la terre et sauver son âme, mais le manque d’argent peut causer des situations inhumaines et catastrophiques:

Les journaux ont rapporté récemment que dans une grande ville comme Montréal, un enfant sur trois se présente à l’école sans avoir eu de petit déjeuner. À l’échelle du globe, ce sont plus d’un milliard sept cent millions d’êtres humains qui fouillent dans les poubelles pour trouver quelque chose à manger et se maintenir en vie. Plus de 100 millions d'enfants dans le monde vivent dans les rues, sans foyer, abandonnés par leurs parents qui ne peuvent plus les faire vivre (au Brésil seulement, ils sont plus de 7 millions d’enfants dans cette situation. En trois ans, 4 600 de ces enfants vivant dans les rues au Brésil ont été tués par des policiers engagés par les marchands, qui disent que ces enfants importunent les passants sur les trottoirs, ce qui nuit à leur commerce).

Selon le sociologue suisse Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation entre 2000 et 2008, 100 000 personnes meurent de faim tous les jours dans le monde, dont 37 000 enfants en bas de 10 ans, soit un enfant qui meurt de faim toutes les 5 secondes. Selon le World Food Report de la FAO au début de 2008, l’agriculture mondiale pouvait alors nourrir 12 milliards de personnes, pour une population mondiale d’environ 6,3 milliards à la même époque.

Puisqu’il y a assez de nourriture pour tous, mais que des milliers d’enfants meurent de faim malgré tout, Ziegler conclut que les enfants qui meurent de faim sont assassinés. C’est le scandale de notre siècle, dit-il. Si ces enfants meurent de faim alors que la nourriture existe, c’est que leurs parents n’ont pas l’argent, le pouvoir d’achat nécessaire pour se procurer cette nourriture. C’est le système financier actuel qui est assassin, et c’est ce système que Vers Demain cherche à corriger.

Puisqu’il y a assez de nourriture pour tous, mais que des milliers d’enfants meurent de faim malgré tout, Ziegler conclut que les enfants qui meurent de faim sont assassinés. C’est le scandale de notre siècle, dit-il. Si ces enfants meurent de faim alors que la nourriture existe, c’est que leurs parents n’ont pas l’argent, le pouvoir d’achat nécessaire pour se procurer cette nourriture. C’est le système financier actuel qui est assassin, et c’est ce système que Vers Demain cherche à corriger.Les magasins sont pleins, c’est le pouvoir d’achat dans les mains des consommateurs qui fait défaut.

On pourrait continuer la liste de toutes les situations dramatiques dues au manque d’argent. Ce sont de telles situations qui ont amené le Pape Benoît XV à écrire, dans une lettre à l’évêque de Bergame en Italie en 1920, que «c’est sur le terrain économique que le salut des âmes est en danger.»

Et son successeur, le pape Pie XI, écrivait, dans son encyclique Quadragesimo anno en 1931:

«Il est exact de dire que telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale qu’un nombre très considérable d’hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l’oeuvre, seule nécessaire, de leur salut.»

Plusieurs auteurs ont aussi fait ressortir ce point, ajoutant que sans une réforme financière et monétaire, aucune autre réforme ne pourra être accomplie, aucun autre problème ne pourra être résolu. Comme l’écrivait saint Jean-Paul II en 1985: «Une réforme structurelle du système financier mondial est sans nul doute une des initiatives les plus urgentes et nécessaires.»1

Et en 2016; le pape François déclarait: «Il existe un terrorisme de base qui émane du contrôle global de l’argent sur la terre et menace l’humanité tout entière… Il y a près de cent ans, le pape Pie XI prévoyait l’émergence d’une dictature économique mondiale qu’il appelait “l’impérialisme international de l’argent”… L’ensemble de la doctrine sociale de l’Église et le magistère de mes prédécesseurs se rebelle contre l’argent idole qui règne au lieu de servir, tyrannise et terrorise l’humanité…»2

Geoffrey Dobbs, créditiste d’Angleterre, écrivait, dans une brochure intitulée «Qu’est-ce que le Crédit Social»: “Le Crédit Social est essentiellement une tentative d’appliquer le christianisme dans les questions sociales, dans la vie en société; et si le système d’argent se trouve être un obstacle à une vie plus chrétienne (et c’est effectivement le cas), alors nous, et tout chrétien, devons nous soucier de ce qu’est la nature 1 Message à la 6e Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement, Genève (26 sept. 1985.) 2 Discours aux participants à la 3e rencontre mondiale des mouvements populaires, donné au Vatican le 5 novembre 2016. de l’argent, et pourquoi l’argent est un obstacle.

«Il existe un urgent besoin que plus de gens examinent de plus près le fonctionnement du système monétaire actuel, quoiqu’il ne soit pas demandé à tout le monde d’être des experts sur ce sujet. Mais lorsque les conséquences du système monétaire actuel sont si abominables, tout le monde doit au moins saisir les grandes lignes de ce qui ne fonctionne pas et doit être corrigé, afin de leur permettre d’agir en conséquence. » C’est la méthode prônée par Vers Demain, avec l’éducation du peuple sur la question monétaire.

D’où vient l’argent?

Si le problème n’est pas le manque de produits, mais d’argent, alors il faut se poser la question pourquoi l’argent manque-t-il entre les mains des consommateurs, et plus fondamentalement, qu’est-ce que l’argent, puis d’où vient l’argent, qui crée, fabrique l’argent?

L’argent, c’est tout ce qui est accepté pour payer, pour acheter, tout ce qui est accepté par tout le monde dans un pays en échange de biens ou de services. Ou, comme l’a écrit Louis Even dans l’article précédent, l’argent, «c’est un simple système de permissions. De permis, du côté producteur, pour mobiliser, mettre en oeuvre des moyens de production. — Permis, du côté consommateur, pour obtenir les produits finis et offerts. Ce n’est pas l’argent qui donne de la valeur aux produits, aux réalités. Ce sont les produits et la capacité de produire qui donnent de la valeur à l’argent.»

L’argent n’est pas la richesse, mais le signe, le chiffre, qui donne droit aux richesses réelles, aux produits. Peu importe la matière dont il est fait – papiermonnaie, métal précieux, ou signal électronique sur une carte bancaire – c’est essentiellement un chiffre, qui est accepté comme moyen de paiement parce qu’on peut obtenir en échange de ces chiffres des produits et services.

Le philosophe grec Aristote a défini l’argent comme étant une création de la loi, une convention. Il existe deux sortes de lois: premièrement, les lois divines (les Dix Commandements, et les lois de la nature, créées par Dieu, qui ne peuvent être abrogées ou changées par l’homme, comme par exemple la loi de la gravité, qui fait que tout objet est attiré vers le centre de la terre.

Mais il existe aussi d’autres sortes de lois, des lois qu’on peut changer, les lois humaines, les lois votées, décidées, décrétées par des hommes, dans les parlements ou autres assemblées. Dans le code de la route, on a décidé, par exemple, que tous devaient s’arrêter au feu rouge. C’est une convention, on aurait pu choisir une autre couleur.

L’argent est aussi un système créé par l’homme, et non pas un système créé par Dieu ou la nature: il peut donc être changé par l’homme. Comme l’a écrit Louis Even dans le Syllabaire du Crédit Social: «Tout a un commencement, excepté Dieu. L'argent n'est pas le bon Dieu, il a donc un commencement. L'argent commence quelque part.»

D’aucuns diront que ça peut être un système très difficile à changer, car il est protégé par des intérêts très puissants, des financiers internationaux qui contrôlent même les gouvernements, les médias d’informations, qui déclenchent les guerres, etc. Cela est probablement vrai, mais ça demeure un système établi par des hommes, et qui peut ET DOIT être changé par des hommes.

Deux sortes d’argent

Toujours dans le «Syllabaire du Crédit Social», M. Even explique l’origine de l’argent :

«Actuellement, on a deux sortes d'argent au Canada: de l'argent de poche, fait en métal et en papier (qu’on désigne en français sous le nom d’espèces ou de numéraire, mais aussi communément sous le terme anglais de cash); et une deuxième sorte, de l’argent de livre, scriptural, fait en chiffres (inscrits sur votre compte de banque, que vous pouvez utiliser entre autres avec une carte bancaire). L’argent de poche est le moins important; l’argent de livre est le plus important (plus de 95%).

«L’argent de livre, c’est le compte de banque… Avec un compte de banque, on paie et on achète sans se servir d’argent de métal ou de papier. On achète avec des chiffres, que ce soit avec des chèques, ou plus couramment, grâce aux nouvelles technologies, des cartes bancaires ou des transferts électroniques faits directement de mon ordinateur ou téléphone cellulaire.

«Supposons par exemple que j’ai un compte de banque de 40 000 $. J’achète une auto de 10 000 $. Je paie par un chèque. Le marchand endosse et dépose le chèque à sa banque.

«Que le paiement soit fait par chèque, carte de crédit, carte de débit ou par internet, le banquier touche deux comptes: d’abord celui du marchand, qu’il augmente de 10 000 $; puis le mien, qu’il diminue de 10 000 $. Le marchand avait 500 000 $; il a maintenant 510 000 $ écrit dans son compte de banque. Moi, j’avais 40 000 $, il y a maintenant 30 000 $ écrit dans mon compte de banque.

«L’argent de papier n’a pas bougé pour cela dans le pays. J’ai passé des chiffres au marchand. J’ai payé avec des chiffres. Plus des neuf dixièmes des affaires se règlent comme cela. C’est l’argent de chiffres qui est l’argent moderne; c’est le plus abondant, dix fois autant que l’autre; le plus noble, celui qui donne des ailes à l’autre; le plus sûr, celui que personne ne peut voler comme on le ferait pour du papier-monnaie mais qui peut être tout de même volé de nos jours, de manière différente, par des pirates informatiques.

«L’argent de chiffres, comme l’autre, a un commencement. Puisque l’argent de chiffres est un compte de banque, il commence lorsqu’un compte de banque commence sans que l’argent diminue nulle part, ni dans un autre compte de banque ni dans aucune poche.

«On fait, ou on grossit, un compte de banque de deux manières: l’épargne et l’emprunt. II y a d’autres sous-manières, elles peuvent se classer sous l’emprunt.

«Le compte d’épargne est une transformation d’argent. Je porte de l’argent de poche au banquier; il augmente mon compte d’autant. Je n’ai plus l’argent de poche, j’ai de l’argent de chiffres à ma disposition. Je puis réobtenir de l’argent de poche, mais en diminuant mon argent de chiffres d’autant. Simple transformation.

«Mais nous cherchons ici à savoir où commence l’argent. Le compte d’épargne, simple transformation, ne nous intéresse donc pas pour le moment.

L’argent commence dans les banques

«Le compte d’emprunt est le compte avancé par le banquier à un emprunteur. Supposons que je suis un homme d’affaires. Je veux établir une manufacture nouvelle. Il ne me manque que de l’argent. Je vais à une banque et j’emprunte 100 000 $ sur garantie. Le banquier me fait signer les garanties, la promesse de rembourser avec intérêt. Puis il me prête 100 000 $.

«Va-t-il me passer 100 000 $ en papier? Je ne veux pas. Trop dangereux d’abord. Puis je suis un homme d’affaires qui achète en bien des places différentes et éloignées, au moyen de chèques. C’est un compte de banque de 100 000 $ que je veux et qui fera mieux mon affaire.

«Le banquier va donc m’avancer un compte de 100 000 $. Il va placer dans mon compte 100 000 $, comme si je les avais apportés à la banque. Mais je ne les ai pas apportés, je suis venu les chercher.

«Est-ce un compte d’épargne, fait par moi? Non, c’est un compte d’emprunt bâti par le banquier luimême, pour moi.

«Ce compte de 100 000 $ n’est pas fait par moi, mais par le banquier. Comment l’a-t-il fait ? L’argent de la banque a-t-il diminué lorsque le banquier m’a prêté 100 000 $ ? Questionnons le banquier: «— Monsieur le banquier, avezvous moins d’argent dans votre tiroir après m’avoir prêté 100 000 $? «— Mon tiroir n’est pas touché, dit-il. «— Les comptes des autres ontils diminué? «— Ils sont exactement les mêmes. «— Qu’est-ce qui a diminué dans la banque? «— Rien n’a diminué. «— Pourtant mon compte de banque a augmenté. D’où vient cet argent que vous me prêtez? «— Il vient de nulle part. «— Où était-il quand je suis entré à la banque? «— Il n’existait pas. «— Et maintenant qu’il est dans mon compte, il existe. Alors, il vient de venir au monde? «— Certainement. «— Qui l’a mis au monde, et comment? «— C’est moi, avec ma plume et une goutte d’encre, lorsque j’ai écrit 100 000 $ à votre crédit, à votre demande. «— Alors, vous faites l’argent? «— La banque fait l’argent de chiffres, l’argent moderne, qui fait marcher l’autre en faisant marcher les affaires. Le banquier fabrique l’argent, l’argent de chiffres, lorsqu’il prête des comptes aux emprunteurs, particuliers ou gouvernements. Lorsque je sors de la banque, il y a dans le pays une nouvelle base à chèques qui n’y était pas auparavant. Le total des comptes de banque du pays y est augmenté de 100 000 $. Avec cet argent nouveau, je paie des ouvriers, du matériel, des machines, j’érige ma manufacture. Qui donc fait l’argent nouveau? — Le banquier.» (Fin de l’extrait du Syllabaire.)

Cette façon de créer l’argent par le banquier presque comme un coup de baguette magique, de créer de l’argent qu’il n’avait pas avant et que peru sonne d’autre n’avait, mérite qu’on y porte attention. Le banquier attache certaines conditions à ses prêts d’argent, par exemple le remboursement d’intérêts. Ce qui, on va le voir, entraîne la création de dettes impossibles à rembourser.

Un système d’argent-dette: L’Île des naufragés

On l’a vu plus haut au début de cet article, dans le cadre d’un rappel de l’enseignement de l’Église sur le capitalisme, que le vice fondamental du système financier est que tout argent est créé par les banques commerciales sous forme de dette: elles demandent aux emprunteurs de ramener à la banque plus d’argent que ce que la banque a créé. (Les banques créent le capital qu’elles prêtent, mais pas l’intérêt qu’elles exigent en retour.) Puisqu’il est impossible de rembourser de l’argent qui n’existe pas, la seule solution est d’emprunter de nouveau pour pouvoir payer cet intérêt, et d’accumuler ainsi des dettes impayables.

La façon dont l’argent est créé sous forme de dette par les banques privées est bien expliquée dans la parabole de L’Île des Naufragés, de Louis Even (publiée dans la brochure «Qui sont les vrais maîtres du monde»3, qui accompagnait la revue de janvier-février 2021 de Vers Demain). Dans cette parabole, comme dans toute société, le système économique peut être divisé en deux: système producteur et système financier. D’un côté, se trouvent cinq naufragés sur une île, qui produisent les différentes choses nécessaires à la vie; et de l’autre, un banquier qui leur prête de l’argent.

Tout l’argent en circulation est un prêt, et doit retourner à la banque grossi d’un intérêt. Le banquier crée l’argent et le prête, mais il se fait promettre de se faire rapporter tout cet argent, plus d’autre qu’il ne crée pas. Seul le banquier crée l’argent: il crée le capital, mais pas l’intérêt. Dans l’exemple de l’Île des naufragés, il crée 1000 $, mais exige le remboursement de 1080 $. Le banquier demande de lui rapporter, en plus du capital qu’il a créé, l’intérêt qu’il n’a pas créé, et que personne n’a créé.

La dette publique est faite d’argent qui n’existe pas, qui n’a jamais été mis au monde, mais que le gouvernement s’est tout de même engagé à rembourser. C’est un contrat impossible, que les financiers représentent comme un «contrat saint» à respecter, même si les humains dussent en crever.

La solution: un argent sans dette créé par la société

Alors, comment se sortir d’une situation qui semble sans issue ? Puisque la valeur de l’argent est basée sur la capacité de production du pays, pourquoi le pays devrait-il payer de l’intérêt à des compagnies privées (les banques commerciales) pour de l’argent qu’il peut créer, émettre lui-même, sans intérêt et sans dette. C’est la première condition pour qu’un pays soit véritablement souverain.

Puisque l’argent est basé sur la capacité de production de la société, cet argent appartient aussi à la société. La question qu’on doit alors se poser est la suivante: Pourquoi la société devrait-elle payer les banquiers pour l’usage de son propre argent? Pourquoi payer pour l’usage d’un bien qui nous appartient? Pourquoi le gouvernement n’émet-il pas directement son argent, sans passer par les banques?

L'argent de chiffres est une bonne invention moderne, qu'il faut garder. Mais au lieu d'avoir leur origine sous une plume privée, à l'état de dette, les chiffres qui servent d'argent doivent naître sous la plume d'un organisme national, à l'état d'argent serviteur.

Puisque l’argent est un instrument essentiellement social, la doctrine du Crédit Social propose que l’argent soit émis par la société, et non par des banquiers privés pour leur profit:

«Il y a certaines catégories de biens pour lesquels on peut soutenir avec raison qu’ils doivent être réservés à la collectivité lorsqu’ils en viennent à conférer une puissance économique telle qu’elle ne peut, sans danger pour le bien public, être laissée entre les mains de personnes privées.» (Pie XI, Quadragesimo anno.)

En abandonnant aux banques privées le pouvoir de créer l’argent nouveau pour le pays, les gouvernements, ajoutait Pie XI, sont «déchus de leurs nobles fonctions et sont devenus les valets des intérêts privés».

Cet argent nouveau serait distribué à tous sous forme de dividendes, accompagné d’un escompte compensé. Cela a déjà été expliqué amplement dans d’autres articles de Vers Demain. Nous terminons cet article avec une citation de Sir Josiah Stamp (1880-1941), alors qu’il était gouverneur de la Banque d’Angleterre:

«Le système bancaire fut conçu dans l’iniquité et naquit dans le péché... Les banquiers possèdent la planète. Enlevez-la-leur, mais laissez-leur le pouvoir de créer l’argent, et d’un trait de plume, ils créeront assez d’argent pour racheter la dite planète et en devenir les propriétaires... Si vous voulez continuer d’être les esclaves des banquiers et de payer le prix de votre propre esclavage, alors laissez les banquiers continuer de créer l’argent et de contrôler le crédit.»

Voulons-nous continuer à être les esclaves des banquiers? À nous de décider… c’est l’ignorance du peuple qui fait la force des financiers. Alors, renseignons- nous et unissons-nous, pour créer une opinion publique assez forte pour amener la correction du système financier actuel, et faire en sorte que tous les citoyens soient véritablement capitalistes, au lieu d’être les esclaves d’un Grand Reset communiste.

Alain Pilote
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