La démocratie économique viendra non pas par les partis politiques

Mais par des apôtres qui mobilisent l’action de Dieu

Un des obstacles auquel Vers Demain doit faire face depuis un an ou deux, c'est l'apparition d'un système de contrôle et d'espionnage en Chine communiste appelé « crédit social », ce qui porte à confusion, puisque c'est sous ce même nom qu'ont été propagées les propositions financières de l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, conçues en 1917, et enseignées depuis 1939 par Vers Demain, pour combattre la pauvreté et corriger les vices du système financier actuel. C'est pour éviter cette confusion que de plus en plus, Vers Demain utilise les mots « démocratie économique » pour désigner les propositions financières de Douglas, son premier livre sur le sujet, en 1918, portant d'ailleurs le titre de Economic Democracy.

Le « crédit social » enseigné par Vers Demain est tout le contraire du communisme, car il respecte la propriété privée et la liberté individuelle, et veut faire de chaque citoyen un véritable « capitaliste », propriétaire d'un capital provenant de l'héritage commun des richesses naturelles et des inventions des générations précédentes.

Cependant, jusqu'à tout récemment, un autre obstacle portait aussi à confusion, à savoir, l'existence de partis politiques portant le nom de « crédit social » : un tel parti a existé au Canada sur la scène fédérale jusqu'en 1980, et a même été au pouvoir dans deux provinces, l'Alberta (de 1935 à 1971) et la Colombie-Britannique (de 1952 à 1991, sauf un intervalle de trois ans), mais sans appliquer aucun principe de la réforme financière de Douglas.

C'est ce qui a pu faire croire à certaines personnes que Vers Demain, lorsqu'il parle de « crédit social », fait la promotion de cet ancien parti politique appelé « crédit social ». En réalité, Vers Demain ne fait la promotion d'aucun parti politique, ancien ou nouveau, et ses idées peuvent être appliquées par n'importe quel parti politique déjà au pouvoir. Comme l'ont toujours expliqué Douglas et Louis Even, nous n'obtiendrons pas l'application du Crédit Social par la promotion de partis politiques, qu'ils s'appellent « crédit social » ou autre, mais par l'éducation du peuple et l'apostolat, le don de soi.

Si ce n'est pas par un parti politique, alors quelle est la formule pour appliquer le Crédit Social ? La formule préconisée par Vers Demain, c'est de renseigner la population sur la solution à apporter au système financier actuel, pour permettre au gouvernement, peu importe de quel parti ou allégeance qu'il soit, d'appliquer cette réforme financière. Sans cette force dans le peuple, ce sont les pressions des financiers sur les gouvernements qui l'emportent.

Saint Jean-Paul II

Dans son encyclique Sollicitudo Rei Socialis (L'intérêt actif que porte l'Église à la question sociale), le pape saint Jean-Paul II écrivait (n. 37) :

« Parmi les actes ou les attitudes contraires à la volonté de Dieu et au bien du prochain et les structures qu'ils induisent, deux éléments paraissent aujourd'hui les plus caractéristiques : d'une part le désir exclusif du profit et, d'autre part, la soif du pouvoir dans le but d'imposer aux autres sa volonté. »

Ces deux attitudes « contraires à la volonté de Dieu » décrivent assez bien le comportement des banquiers internationaux : premièrement, la soif d'accumuler des milliards de dollars, et ensuite, une fois qu'ils ont plus de milliards de dollars qu'ils ne pourront jamais en dépenser eux-mêmes, le désir d'imposer par la force leur volonté aux nations et aux peuples du monde entier.

Comme l'enseigne le catéchisme, on combat un vice par la vertu qui lui est opposée. Dans ce cas-ci, il faut donc combattre l'égoïsme des banquiers par notre propre don de soi, notre dévouement. C'est ce qu'écrivait justement saint Jean-Paul II quelques paragraphes plus loin dans la même encyclique :

« Ces attitudes et ces "structures de péché" ne peuvent être vaincues – bien entendu avec l'aide de la grâce divine – que par une attitude diamétralement opposée : se dépenser pour le bien du prochain. »

Aucun changement dans la société ne pourra être obtenu sans le don de soi. Et une grande cause comme le Crédit Social, ou démocratie économique, n'y fait pas exception..

par Louis Even

Deux termes contradictoires

Question — Le Crédit Social (ou démocratie économique) pourrait-il servir de programme à un parti politique ?

Le Crédit Social, tel que l'a présenté Douglas, tel que Vers Demain s'efforce de le présenter de mieux en mieux à ses lecteurs, ne peut pas être lié à un parti politique. Encore moins servir d'étiquette à un parti politique, sans une prostitution du sens des mots.

Crédit Social et parti sont deux termes contradictoires. Le premier implique une association comprenant tous les membres de la société ; le second implique une division, un groupe entrant en lutte contre un autre ou plusieurs autres groupes se disputant le pouvoir. Le parti veut être en possession du pouvoir pour gouverner le pays ; le Crédit Social veut distribuer à chaque individu un pouvoir qui le libérera de plus en plus des interventions du gouvernement.

Quand aux programmes de partis politiques, après tout ce qu'on a vu en moins d'une génération, il faut plus qu'une foi de charbonnier pour y attacher la moindre importance. Un seul point de leur programme est sincère : Essayer de gagner l'élection pour prendre ou garder le pouvoir.

Une vérité comme le Crédit Social ne peut pas être soumise au critère d'une majorité de votes.

Rien, évidemment, n'empêche des hommes politiques, au gouvernement ou hors du gouvernement, quelle que puisse être leur allégeance politique, d'être personnellement convaincus de l'excellence du Crédit Social, de le proclamer objectivement et non pas dans un but électoral intéressé. Mais en faire une plate-forme de parti, et promouvoir l'idée qu'il suffirait de porter ce parti au pouvoir pour la réalisation d'une économie créditiste, c'est mentir et entraver le progrès de la cause.

Le Crédit Social est une idée vivante ; elle vit dans l'esprit qui l'accueille, qui s'en fait l'apôtre. En faire une simple question de vote en faveur d'un homme ou d'un parti, c'est réduire les mots « Crédit Social » à ne signifier qu'une chose sans lumière et sans flamme, n'entraînant aucune responsabilité individuelle.

Impuissance humaine

Question — Dans l'hypothèse où un gouvernement en place voudrait le bien du peuple, pourrait-il adopter et appliquer le Crédit Social, ou faudrait-il un référendum ?

Cette question suppose que jusqu'ici aucun gouvernement n'a voulu ou ne veut le bien du peuple, mais qu'il pourrait en surgir un d'une prochaine urne électorale. C'est bien sévère pour les gouvernements actuels et passés ; et il faut être bien optimiste pour supposer que du même arbre on puisse cueillir un fruit complètement différent. Mais admettons votre hypothèse. Voici un gouvernement parfait. Va-t-il pouvoir adopter et établir un organisme économique de Crédit Social ?

La réponse est NON. Référendum ou pas de référendum : NON. C'est humainement impossible en face de la puissance actuelle du monstre financier (Notez le mot « humainement »). Le monstre financier, le superpouvoir des contrôleurs mondiaux de l'argent et du crédit, est plus fort que tous les gouvernements du monde. Il les domine tous. Les gouvernements, réduits à l'état de valets de cette superpuissance, sont incapables de se défaire de ce vasselage — même s'ils en avaient le désir.

Est-ce à dire que tout espoir soit vain, et inutile tout effort apporté à promouvoir la cause créditiste ? Oh ! non, pas du tout. Mais cela veut dire qu'il ne faut pas compter sur des gouvernements, sur des changements de partis au pouvoir, pour venir à bout d'une puissance supérieure à tous les gouvernements du monde. C'est gaspiller ses énergies en pure perte ; c'est vouloir abattre une forteresse avec des boules de coton.

L'oint du Seigneur

Oh ! Il advint bien un jour qu'un jeune homme, (David) simple berger, sans entraînement militaire, sans autre armure qu'un bâton, une fronde et cinq pierres dans sa gibecière, affronta et abattit d'une seule pierre un colosse (Goliath) mesurant 9 pieds (3 mètres), homme de guerre depuis sa jeunesse, bardé d'airain de la tête aux pieds... David avait mis toute sa confiance en Dieu, sachant bien que « de la force de son bras, Dieu disperse les superbes ».

Toute une leçon nous est donnée là. Les créditistes de Vers Demain se la font souvent rappeler et tâchent d'en tenir compte. Seule une puissance céleste peut triompher des plus puissantes forces terrestres. Le Ciel veut quand même que nous fassions notre part, de notre mieux, mais sans nous fier uniquement à notre action. Le jeune David ne dit pas : « Je ne ferai rien, à quoi bon en face d'une force qui se rit de ma faiblesse ? » Non, il fit sa petite part. Il prit les armes à sa portée — bâton, fronde, pierres — sans doute ridiculisé et traité de fou. Et Dieu fit le reste, la grosse part.

Le créditiste de Vers Demain ne s'arrête ni devant sa propre faiblesse en face d'une force ennemie humainement invincible, ni devant des années qui se succèdent sans succès apparents, ni devant des moqueries, des critiques et des trahisons. Il sait que chaque pas fait pour une cause juste, chaque témoignage rendu à une vérité, chaque rayon d'espoir communiqué à des abattus, chaque élévation d'âme ou chaque conversion suscitée par son exemple et par le message qu'il porte, est un gain. Il est convaincu qu'un organisme économique l'adoptant favoriserait la justice distributive, pour le bien de toutes les personnes, de toutes les familles. Mais, sans diminuer ses propres efforts, il compte surtout sur Dieu, comme David.

Dans les années qui suivirent la deuxième guerre mondiale, Douglas prévoyait que le système finirait par devenir insoutenable et s'effondrerait de lui-même. L'action à faire par les tenants de la lumière créditiste, écrit-il, était de la répandre pour que, lorsqu'adviendrait cette situation, les esprits étant préparés, il serait aussi facile d'inaugurer d'un coup un système financier propre à la civilisation moderne que d'essayer d'y arriver par des réformes parcellaires.

Vers Demain maintient, comme Douglas, qu'en matière de Crédit Social, le travail efficace à faire est d'éclairer la population sur le monopole du crédit financier, lui imputant les fruits mauvais dont il est la cause dans la vie des personnes, des familles, des institutions ; et, en regard, exposer la doctrine lumineuse, si conforme au bon sens, du Crédit Social authentique.

Louis Even
Partager via:
  

À Lire aussi


DERNIÈRE PARUTION

Retour à la page d'accueil