Pourquoi les guerres commerciales entre pays?

Alain Pilote le mercredi, 01 mai 2025. Démocratie économique/Aperçu général

Pour combler un manque de pouvoir d’achat

Tout le monde aujourd’hui a entendu parler de la guerre des tarifs douaniers imposée par le président américain Donald Trump à pratiquement tous les pays de la planète, qui a des conséquences directes sur des milliers d’emplois sur les pays visés par ces tarifs — tarifs qui d’ailleurs changent presqu’à toutes les semaines, entraînant l’incertitude sur les marchés boursiers et les investissements. Et même du côté des États-Unis, ce sont les consommateurs américains euxmêmes qui sont pénalisés, car c’est eux, en bout de ligne, qui paient cette augmentation des prix causée par l’imposition de tarifs douaniers.

Prenons l’exemple d’un produit fabriqué au Canada, qui se vendait 100 dollars aux États-Unis avant l’apparition de ces tarifs. Si un tarif de 25% est imposé sur ce produit canadien, il sera vendu aux États- Unis 25% plus cher, soit 125 dollars, et ce sont les consommateurs américains qui paient cette augmentation de 25%. Ce que Trump appelle tarif devient taxe pour le consommateur.

Cette guerre de tarifs a d’abord été imposée sur décision du Président Trump à deux pays voisins, le Canada et le Mexique. Trump se plaint que les États-Unis sont maltraités par ces deux pays, car ils ont un excédent commercial (vendent plus aux États-Unis qu’ils en reçoivent). Le Canada, par exemple, a un surplus commercial de plus de 100 milliards $ envers les États-Unis, mais Trump prétend que ce sont les États-Unis qui «subventionnent» le Canada à une hauteur de 200 milliards $, que les États-Unis n’ont besoin d’aucun produit canadien, et que sans cette «subvention», le Canada cesserait d’exister. Et il prend soin d’ajouter que pour éviter cela, le Canada n’a qu’à devenir le 51e État américain…

La réalité, c’est que le Canada ne force pas les Américains à acheter quoi que ce soit du Canada; si les États-Unis achètent des biens du Canada, c’est tout simplement parce que ça leur coûte moins cher (comme le pétrole, par exemple), ou même qu’ils ne peuvent tout simplement pas les produire, n’ayant pas les usines ni les matières premières (comme la potasse ou l’aluminium).

Le président Trump et son homologue chinois Xi Jinping en pleine guerre commerciale...

Les États-Unis décident donc d’imposer des tarifs de 25% sur l’acier, l’aluminium et les automobiles faites au Canada, plus un tarif de 10% sur le pétrole et la potasse. Mais ce n’était qu’un début, le reste du monde allait bientôt goûter à cette médecine de Trump.

Le 2 avril, lors d’une conférence devant la Maison Blanche, le président Trump (photo ci-haut) déclare officiellement le «Jour de la Libération», en imposant des tarifs allant d’un minimum de 10% à 185 pays (pratiquement tous les pays de la planète), mais visant tout particulièrement la Chine, l’Union européenne et le Vietnam. Quelques jours plus tard, les États- Unis décidaient d’imposer des tarifs de 145 % sur les importations chinoises, tandis que la Chine ripostait avec des droits de douane de 125 % sur certains produits américains. Résultat: tout ce qui vient de Chine coûterait plus que le double, ce qui découragerait évidemment tout Américain à acheter ce qui est fabriqué en Chine.

Pour quelle raison les États- Unis lancent-ils cette guerre commerciale tous azimuts? L’objectif est de ramener aux États-Unis les usines qui ont été déménagées, ou se sont installées, dans d’autres pays, et récupérer par le fait même les emplois ainsi perdus en faveur de pays étrangers. Trump dit aux compagnies: «Si vous voulez vendre aux États-Unis et éviter ces tarifs, installez vos usines aux États- Unis.»

La délocalisation

Sur papier, cela peut sembler logique, mais en pratique, c’est très difficilement réalisable. Depuis les années 1980, les entreprises américaines ont délocalisé (déménagé dans d’autres pays) leurs usines pour bénéficier de coûts de maind’oeuvre plus bas, de moindres règlementations et d’une production plus rapide. C’est ainsi qu’elles se sont dirigées d’abord vers le Mexique, où les salaires étaient plus bas, et puis vers la Chine, où les salaires sont encore plus bas, et maintenant vers d’autres pays asiatiques, comme le Bangladesh et le Vietnam, où les salaires sont même encore plus bas que ceux de la Chine. Cette tendance a entraîné la perte de millions d’emplois manufacturiers aux États-Unis, et une plus grande dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement mondiales.

En 2024, les États-Unis ont importé pour une valeur de 439 milliards de dollars de produits de la Chine, et ont exporté pour une valeur de 144 milliards vers la Chine ; autrement dit, la Chine est littéralement l’usine, le fournisseur de produits des États-Unis à un coût dérisoire. Autre exemple: seulement 2% des vêtements portés par les Américains sont fabriqués aux États-Unis, le reste, évidemment, dans les pays asiatiques.

Même en admettant que les usines reviennent aux États-Unis, les coûts de production seraient beaucoup plus élevés, ne serait-ce qu’en raison des salaires: aux États- Unis, le salaire horaire moyen dans la fabrication se situe autour de 25 $US. En comparaison, au Vietnam il est d’environ 3 $US, en Indonésie de 2,50 $US, et au Bangladesh de moins de 2 $US. Par exemple, un iPhone se détaillant à environ 1000 $ pourrait en coûter… 3500 $, soit plus du triple, s’il était fabriqué aux États-Unis.

Les États-Unis veulent rapatrier les emplois, mais n’accepteront jamais les bas salaires et conditions de travail des pays asiatiques. Et ramener des usines aux États-Unis coûte très cher, et prendra plusieurs années. La seule façon de produire à moindre coût que les pays d’Asie, c’est d’installer des robots à la place des travailleurs… mais alors, on ne règle rien, puisqu’il n’y aura pas de salaires distribués du tout à la population.

En réalité, les États-Unis ne peuvent se passer présentement de la Chine, ne serait-ce que pour les produits électroniques et les semi-conducteurs. C’est ce qui fait que quelques semaines plus tard, le président Trump a dû faire marche arrière, et retirer les tarifs sur les produits électroniques (téléphones mobiles, ordinateurs) fabriqués en Chine. Et en mai 2025, après des négociations à Genève, les États-Unis et la Chine ont convenu de réduire leurs tarifs. Les États-Unis ont abaissé leurs droits de douane de 145% à 30 %, et la Chine a réduit les siens de 125% à 10 %.

Ce qui se passe entre pays se passe aussi entre provinces, entre régions: on veut attirer les fameux emplois, à coûts de subventions ou autres bénéfices fiscaux, pour qu’ils s’établissent à un endroit (pays, province, région) plutôt qu’un autre. aux entreprises portables,

La cause des guerres commerciales

Les difficultés dans le commerce international viennent surtout du fait que les pays veulent exporter plus qu’ils importent, ou comme il est en termes techniques, avoir une «balance commerciale favorable». Alors chaque pays cherchera à exporter, vendre à l’étranger plus de produits qu’il en reçoit, pour obtenir ainsi de l’étranger de l’argent qui servira à combler son pouvoir d’achat déficient et acheter ses propres produits.

Or, il est impossible pour tous les pays d’avoir une «balance commerciale favorable»: si certains pays réussissent à exporter plus de produits qu’ils en importent, ça prend nécessairement aussi, en contrepartie, des pays qui reçoivent plus de produits qu’ils en envoient. Mais comme tous les pays veulent vendre à l’étranger plus de produits qu’ils en reçoivent, cela cause entre ces pays des conflits commerciaux, qui peuvent même dégénérer en conflits armés.

Comme le dit Clifford Hugh Douglas dans l’article en page suivante, on cherche à «conquérir des marchés étrangers» au détriment de la vie économique de ces mêmes pays étrangers. Tant qu’on continuera à vouloir que le droit au produit vienne par les salaires seulement, tant qu’on ne voudra pas le compléter par des dividendes pour le hausser au niveau de la production offerte, on continuera de chercher à l’étranger du pouvoir d’achat qui manque aux consommateurs du pays;

La raison première pour laquelle les pays cherchent à exporter davantage et même bloquer les importations, c’est qu’il existe un manque de pouvoir d’achat inhérent au système financier actuel (voir l’article A ne peut acheter A + B dans Vers Demain de janvier-février 2024).

La solution: un dividende à tous

Ce qui est souhaitable, en ce qui concerne le commerce international, c’est que chaque pays soit le plus autosuffisant possible, produisant lui-même les biens et services dont il a besoin, et n’ait recours aux produits étrangers que pour les choses qu’il ne peut produire lui-même. Louis Even a écrit:

«La solution au problème exige, comme principe de base, que chaque pays place au premier rang son commerce domestique et non pas son commerce extérieur. Cela ne peut se faire évidemment que si chaque pays affirme sa souveraineté sur sa propre politique monétaire, de sorte que toute la production locale soit consommée localement au maximum des besoins locaux.

«Une politique monétaire qui émettrait du pouvoir d’achat domestique en -rapport avec le taux de production domestique, garantirait au peuple la sécurité économique que permet sa production et ferait disparaître l’âpreté de la concurrence pour les marchés, tant extérieurs. qu’intérieurs.»

Cette politique monétaire c’est, comme l’explique Douglas dans l’article qui suit, c’est de «distribuer l’argent sur une autre base que l’emploi, de verser un dividende à chaque citoyen. Cela ne pourra se faire qu’en se libérant du joug des banquiers internationaux. C’est ce jour-là que chaque pays — y compris les États-Unis — pourra véritablement célébrer le «jour de la libération».

Alain Pilote
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