Maurice Allais, prix Nobel en économie

le vendredi, 01 mai 2025. Système financier/Aperçu général

«La création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique à la création de monnaie par des faux-monnayeurs»

Maurice Allais

Maurice Allais (né à Paris le 31 mai 1911 et mort le 9 octobre 2010 à Saint- Cloud (presque centenaire), est un économiste français qui reçut le prix Nobel en économie en 1988, remarquable pour sa dénonciation de la mondialisation actuelle, et surtout de la création d’argent ex nihilo (à partir de rien) par les banques commerciales, précisant que ce droit de créer l’argent ne pouvait qu’appartenir à la nation. C’est pour cela que malgré son titre de prix Nobel en économie, aucun média ne l’invitait à exprimer son opinion sur les problèmes actuels.

Dans les dernières années de sa vie, il avait contacté nos amis suisses créditistes, se disant luimême très favorable au crédit social de Douglas et à son dividende mensuel à chaque citoyen. Voici des extraits de deux de ces textes, au sujet du libre-échange et des guerres commerciales, ainsi que la création monétaire par les banques commerciales.

Le 5 décembre 2009, le journal français Marianne a publié le testament politique de Maurice Allais, qu’il a souhaité rédiger sous forme d’une Lettre aux Français. En voici des extraits :

Tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l’actuelle crise: l’organisation du commerce mondial, qu’il faut réformer profondément, et prioritairement à l’autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.

Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l’économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnisme: il en existe certains de néfastes, tandis que d’autres sont entièrement justifiés. Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n’est pas souhaitable en général.

Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement jusjustifié, mais absolument nécessaire. C’est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d’avoir supprimé les protections douanières aux frontières.

Mais c’est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l’Europe. Il suffit au lecteur de s’interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres – si ce n’est des écarts plus importants encore – pour constater que la concurrence n’est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d’oeuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.

Il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j’ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces «organisations régionales» serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus à certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d’une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.

Un protectionnisme raisonné et raisonnable

Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s’unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l’est de l’Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d’Afrique ou d’Amérique latine.

L’absence d’une telle protection apportera la destruction de toute l’activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c’est-à-dire de toutes les
Comment voulez-vous qu’un pays d’Europe ou d’Amérique du nord fasse compétition avec des pays comme la Chine, le Bangladesh ou d’autres pays asiatiques où les salaires pour l’industrie du textile ne sont pas de 38 dollars de l’heure, mais 38 dollars... par mois! Et avec des conditions de travail qui en font des esclaves.
industries de l’Europe de l’Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu’avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l’industrie française finira par partir à l’extérieur...

«La mondialisation de l’économie est certainement très profitable pour quelques groupes de privilégiés. Mais les intérêts de ces groupes ne sauraient s’identifier avec ceux de l’humanité tout entière. Une mondialisation précipitée et anarchique ne peut qu’engendrer partout instabilité, chômage, injustices, désordres, et misères de toutes sortes, et elle ne peut que se révéler finalement désavantageuse pour tous les peuples.

«En réalité, l’économie mondialiste qu’on nous présente comme une panacée ne connaît qu’un seul critère, “l’argent”. Elle n’a qu’un seul culte, “l’argent”. Dépourvue de toute considération éthique, elle ne peut que se détruire elle-même.

L’analyse de Maurice Allais sur la création monétaire

Toutes les citations suivantes sont tirées du livre de Maurice Allais, La Crise mondiale d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires, 1999:

«Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement, elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents.» (page 110)

«Ce que je préconise, c’est un système où la création monétaire appartiendrait uniquement à une Banque centrale indépendante de l’État et des partis politiques au pouvoir, et où les revenus correspondant à la création monétaire reviendraient uniquement à l’État.» ( p. 185.)

Une usine en Chine
Des ouvrières en Birmanie

«L’économie mondiale tout entière repose au aujourd’hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s’était constatée. Jamais sans doute il n’est devenu plus difficile d’y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n’était apparue avec une telle menace d’un effondrement général.

«Au centre de toutes les difficultés rencontrées, on trouve toujours, sous une forme ou une autre, le rôle néfaste joué par le système actuel du crédit et la spéculation massive qu’il permet. Tant qu’on ne réformera pas fondamentalement le cadre institutionnel dans lequel il joue, on rencontrera toujours, avec des modalités différentes suivant les circonstances, les mêmes difficultés majeures. Toutes les grandes crises du XIXe et du XXe siècle ont résulté du développement excessif des promesses de payer et de leur monétisation.

Particulièrement significative est l’absence totale de toute remise en cause du fondement même du système de crédit tel qu’il fonctionne actuellement, à savoir la création de monnaie ex-nihilo par le système bancaire et la pratique généralisée de financements longs avec des fonds empruntés à court terme.

En fait, sans aucune exagération, le mécanisme actuel de la création de monnaie par le crédit est certainement le “cancer” qui ronge irrémédiablement les économies de marchés de propriété privée.

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